Nous proposons un atelier pratique pour découvrir les « phages », des ennemis naturels des bactéries. Ces phages sont utilisés dans d’autres pays comme médicaments remplaçant les antibiotiques, de moins en moins efficaces contre les bactéries multi-résistantes. La thérapie phagique nous pousse à concevoir et mettre en oeuvre une approche alternative et autonome de la médecine.
Tout le monde a eu une infection bactérienne, légère ou sévère. Qu'en est-il et comment y faire face ? La connaissance est essentielle pour notre liberté en générale, et pour notre santé en particulier. Les bactéries sont des microorganismes présents partout dans notre planète, dans le sol, dans les océans et autour et à l'intérieur de tous les autres organismes vivants. Certaines espèces bactériennes provoquent des maladies chez les humains, les animaux et les plantes. Pour éviter ces infections bactériennes, nos sociétés humaines ont mis en place des mesures d'hygiène et, à partir de 1945, nos sociétés occidentales ont commencé à utiliser des antibiotiques de manières curatives. Les antibiotiques sont des molécules qui tuent les bactéries (ou les empêchent de se reproduire) et aident ainsi à sauver des vies chaque jour (avant 1945, on pouvait facilement mourir d'une simple griffure de chat). Pour les médecins, les antibiotiques sont relativement rapides et simple à utiliser et ont une bonne garantie de réussite parce ces molécules sont actives d’un seul coup contre un grand nombre d’espèce bactériennes. Notons toutefois que cet avantage est aussi des inconvénients : les antibiotiques sont (1) toxiques à fortes doses pour le corps humain et (2) tuent sans distinction les bactéries (pathogènes) provoquant les maladies mais aussi les bactéries bénéfiques. L’utilisation abusive des antibiotiques provoque ainsi différents problèmes secondaires (maladies digestives chroniques, infections récurrentes, allergies, etc.). De plus, de manière très inquiétante, nous sommes confrontés depuis quelques années à l'apparition de bactéries résistantes à l'ensemble des antibiotiques commercialisés. Allons-nous bientôt revenir à une ère pré-antibiotique ?
La production des antibiotiques nécessite une technologie avancée qui coûte chère. Découvrir de nouvelles molécules, les produire et trouver les bonnes formulation n'est donc pas simple et prend beaucoup de temps et ne peut pas être fait par le commun des mortels ! Ces molécules ont donc été brevetées et commercialisées par de grandes entreprises pharmaceutiques transnationales qui ont fait de gros profits durant près de 70 ans ! Malheureusement, aujourd'hui, investir dans de nouvelles molécules n'est plus rentable parce que des bactéries résistantes à tous les antibiotiques apparaissent très rapidement. Dans cette tragédie des biens communs (i.e. les intérêts privés à court terme ont été plus forts que les intérêts communs à long-terme), nous avons besoin d'alternatives. En voici une bonne : la thérapie phagique.
Pour tuer les bactéries pathogènes, pourquoi ne pas utiliser leurs ennemis naturels ? Parmi ces ennemis, les bactéries sont attaquées naturellement par des virus appelés « bactériophages » (on dit simplement « phages »). Ces phages sont partout et très nombreux : dans la mer, les ruisseaux, notre bouche, notre intestin, sur la peau… Une caractéristique des phages est qu'ils sont spécifiques : chaque phage attaque et tue un type de bactérie spécifique et pas les autres. Ainsi, les phages ne peuvent évidemment pas attaquer les cellules qui constituent notre corps : ils n'ont pas d'effets toxiques. Par ailleurs, la technique pour les produire est à la portée de tout-e-s, très simple et peu coûteuse. Enfin, ils sont tellement nombreux dans la nature que nous pouvons en trouver facilement de nouveaux.
Les phages ont été découverts en 1917 (il y a 100 ans !) et ont été rapidement utilisés pour traiter les maladies bactériennes : choléra, peste, diarrhées, infections cutanées (pied diabétique) et bien d'autres espèces bactériennes… Les antibiotiques ont ensuite été découverts (1929), puis subventionnés par les États occidentaux et produits en masse et commercialisés à partir des années 1940, à la suite de quoi la thérapie phagique a presque disparu, sauf dans l'Europe de l'Est communiste qui ont continué à utiliser cette technique jusqu’à aujourd’hui. Ainsi, nous pouvons encore actuellement acheter des préparations de phages dans les pharmacies de Russie, Géorgie et Pologne, et être traités avec des phages dans certains hôpitaux. Depuis quelques années, des malades occidentaux atteints d'infections chroniques “incurables” voyagent là-bas pour être soignés avec des phages.
Il existe plusieurs explications. Tout d'abord, des raisons financières :
Une raison historique : les médecins ont pris l’habitude d’utiliser des antibiotiques (c’est simple, rapide, efficace) et connaissent peu de chose d’autre que les molécules chimiques industrielles ! Et enfin, une raison médicale : l’utilisation de la thérapie phagique nécessite d’isoler la (ou les) bactérie pathogène qu’il faut cibler puis tester l’activité des phages qu’on a en réserve contre ces bactéries. Tout ce processus prend du temps, et la plupart des médecins et des pharmacien-ne-s n’ont pas assez de temps.
Pourtant, certains cocktails de phage sont actuellement commercialisés dans le monde: éliminer les bactéries des aliments prêts à consommer (Listex et Salmonelex, en Europe et aux États-Unis), pour traiter les maladies des pommes de terre ou des tomates (Biolyse et AgriPhage, au Royaume-Uni et aux États-Unis). En France et en Europe, les premiers cas de traitements par thérapie phagique commence à être acceptés par les agences de régulations des médicaments, mais uniquement dans les cas d’impasse thérapeutiques et compassionnels (voir récemment à l’hôpital de Lyon).
L'atelier vise à présenter la thérapie phagique aux personnes intéressées, afin d'apprendre comment les phages fonctionnent et pourraient être produits. Bref, nous voulons partager un kit de laboratoire « open source » pour produire des phages. Cela signifie que nous utiliserons des équipements fabriqués à la main et des matériaux peu coûteux mais respectant une qualité sanitaire indispensable, de sorte que les protocoles soient à la portée de tou-te-s. Pour cet atelier, tous les microorganismes utilisés seront inoffensifs et complètement sécurisés. Nous avons choisi une bactérie non pathogène et nous utiliserons des phages russes qui sont normalement vendus dans les pharmacies là-bas. Nous allons apprendre des techniques basiques de laboratoire de microbiologie qui permettront de produire une préparation de phage parfaitement sûre et efficace. La thérapie phagique est réelle et a beaucoup de potentiel! Durant l’atelier, nous prendrons également un certain temps pour discuter de différentes approches médicales possibles, des initiatives autosuffisantes et de la façon dont les gens pourraient être plus impliqués dans l’organisation de leurs propres soins de santé.